Des jours que je vois tout le monde s’extasier sur cette formidable et merveilleuse série à absolument montrer aux adolescents…. Je ne pouvais pas ne pas la regarder.
ATTENTION SPOILER : je noterai régulièrement lorsque je spoile la série donc faites gaffe quand vous lisez…
Pour ma part, s’il y a bien UNE série que je ne mettrais pas entre toutes les mains, c’est bien celle-là…
Le résumé est simple : Hannah Becker, une adolescente, s’ouvre les veines (face caméra tant qu’à faire). Avant de poser cet acte, elle prend le soin de laisser des enregistrements sur cassettes audio pour ceux qu’elle estime être coupables de son état. On suit son ami Clay dans son écoute au travers des 13 épisodes.
Donc la série est portée aux nues partout comme un merveilleux point de départ qui permettrait d’aborder le sujet du harcèlement scolaire.
Or, s’il est bien question de harcèlement, il est loin, à mes yeux, d’être central. Le point central est le suicide.
#SPOILER ALERT# C’est la base. Et ce n’est pas le harcèlement qui pousse Hannah à commettre l’irréparable mais un viol. Et si quelqu’un me dit que ce viol découle de la réputation d’Hannah qui est due au harcèlement, je ne peux que m’insurger. Si le fait d’avoir une réputation de « chaude de l’école » entraîne forcément qu’on se fait violer, alors ok, le suicide d’Hannah n’est dû qu’au harcèlement… une logique bien gerbante ceci dit…#SPOILER OFF#
Mais ce n’est pas encore le problème principal à mes yeux…
Ce que je reproche en premier à cette série, c’est cette espèce de version abominable de vengeance post mortem. Tous les jeunes sont coupables et tous doivent payer.
#SPOILER ALERT# Tous ont droit à leur petite cassette bien culpabilisante, des premières petites copines qui l’ont un peu laissée tomber aux vrais coupables. Tout le monde y passe. #SPOILER OFF#
Comme si cette jeune fille choisissait de démolir la vie des autres parce qu’elle les estime coupables, à des degrés divers, d’avoir détruit la sienne. Niveau morale formidable à montrer à des adolescents, pardon, mais j’ai vu mieux.
#SPOILER ALERT# Sans compter que ce que reproche Hannah à ses condisciples, elle en est tout autant coupable puisqu’elle assiste au viol de son amie et n’agit pas plus que les autres. #SPOILER OFF#
#SPOILER ALERT# Entre le capitaine de l’équipe de foot grand méchant loup, le gentil meilleur ami, l’éducateur qui s’en fout, le journaliste du lycée profiteur, la pom-pom-girl violée, le photographe obsessionnel, l’ami gay qui est le seul gentil, faut avouer que quand même, la pauvre Hannah n’a VRAIMENT pas de bol et vit dans le monde cruel le plus cliché de l’univers.
Dans cet univers manichéen, les adultes ont la palme de l’incompétence… Entre le père flic qui laisse tout passer à son grand fiston, le beau-père violent, les parents aveugles, les profs incompétents, les éducateurs démissionnaires (et ce n’est rien de le dire), pas un pour rattraper l’autre. Pas un. A croire qu’il n’y a que des sales cons dans ce monde de brutes.
Non seulement ils sont nuls AVANT mais dans la gestion du suicide, c’est à croire à un concours de qui sera le plus mauvais. D’ailleurs, pas UN des acteurs de ce drame ne pense une seule seconde à aller confier les cassettes à des autorités ou au moins aux parents… Bah oui, pourquoi le feraient-ils? Les adultes sont tous plus mauvais les uns que les autres de toute façon…
Il est évident que le harcèlement est une plaie béante dans la vie adolescente. Mais de là à faire peser sur les épaules de toute une génération la culpabilité affreuse du choix de cette jeune femme et de tous les autres qui posent un tel acte, je ne suis pas d’accord. Il est évident que nos actes ont des répercussions. C’est un peu le message général que le réalisateur a sans doute voulu faire passer. Mais à ce point?
Si j’étais ado, ce que je retiendrais c’est que je suis seule, que les adultes ne m’aideront pas, que mes égaux sont mes ennemis, tous, partout et ça, justement, c’est la vision d’une personne dépressive.
Parce que ce qu’on oublie de noter, c’est qu’Hannah est en phase de dépression, de bouleversement adolescent. Et oui, des actes la poussent à bout, c’est évident. Mais c’est son silence avant tout qui la tue. Tous les adolescents ne choisiraient pas ce silence et c’est pourtant de ce postulat de départ que se base la série. Elle a des parents qui l’aiment. Des amis qui seraient prêts à l’aider. Hannah s’enferme seule dans son silence. Tous les autres n’ont pas à en payer le prix.
Je pense, pour ma part, que cette série n’est rien de plus qu’un thriller rythmé ultra culpabilisant qui aborde mal des sujets dangereux. Le suicide n’est pas anodin, ne se traite pas comme une simple intrigue policière. Et surtout, le monde autour d’elle n’est pas coupable de son choix final. Un coupable de viol, oui. Mais la suite ne doit pas et NE PEUT pas être mise sur le dos de tout un lycée.
C’est une façon bien étrange de montrer l’adolescence comme un enfer absolu alors que, si nous savons tous que c’est un moment difficile à endurer, 20 ans ou presque d’enseignement m’ont appris que c’est justement l’espoir qu’il faut transmettre aux jeunes, ni la culpabilité, ni la sensation d’absolu abandon.
Alors oui, sans doute, certains auront la réaction d’essayer un instant de mieux faire, certains parleront de ce qu’ils vivent, mais les harcelés actuels, les ados fragilisés, déprimés ne recevront en pleine face qu’une peinture abominable de leur vie. Et pour peu que cette série soit regardée dans la solitude, ce qui est le cas des victimes, je doute fortement des bénéfices formidables apportés par cette série plus que noire et totalement parti pris.
« Une série à mettre dans toutes les mains adolescentes »? Pas sans accompagnement. Pas sans réflexion. Pas sans dédramatisation.
Parce que non, le suicide n’est pas une responsabilité à faire porter à tous ceux qui « ne s’en souciaient pas assez ». Le suicide est le propre de personnes affaiblies enfermées dans le silence, ça ne signifie pas que personne ne les aimait, ça ne signifie pas qu’elles étaient seules et ça ne signifie surtout pas que le monde autour d’elles doit porter tout le poids de ce choix définitif.
Ce n’est pas une série sur le harcèlement. C’est une série sur le suicide. Et le sujet est ultra agressif, noir et sans grand espoir.
Alors non, je ne pense pas que ce soit une série formidable pour les adolescents. Oui, j’aurais aimé un autre message, un autre traitement qui rappelle aux gamins que oui, on peut les aider en tant qu’adultes, que non, ils ne sont pas obligés de chercher l’aide uniquement dans leur cercle, que non, ils ne sont pas tous coupables de crimes par rebonds interposés et surtout, SURTOUT, que si ce passage de leur vie est dur, demain sera un autre jour et que justement, si Hannah avait parlé, il existait d’autres solutions que la mort.
commentaires
Purgal
2017-10-08 13:56:20Mathilde Dernivois
2017-05-13 18:44:33Ambre
2017-04-25 14:53:07lowett
2017-04-25 12:26:34